La Souffrance au Travail 2 : Le Burn-out et le bore-out

Etienne Duménil en lien avec le sujet

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Qu'est-ce que le burn-out?

"Burn-out", "burnout", "maladie des efficaces", "syndrome d'épuisement professionnel", beaucoup de termes pour désigner la même chose : cette sensation d'être "brûlé" de fatigue après des mois voir des années de surinvestissement au travail. Plus de motivation, plus d'envie, un stress chronique et cette fatigue intense qui empêche un jour de se lever le matin. L'effet est soudain : "en une semaine j'étais passé de 12 heures de travail par jour à un état de prostration et de mutisme" raconte un patient. "Impossible de me lever, d'aller au travail, de prendre du recul. C'est un cercle vicieux. Moi qui ne savait pas déléguer, qui était perfectionniste, je me suis retrouver du jour au lendemain comme une loque".

Aujourd'hui les médias mettent l'accent sur le burn-out. Au point que certains n'hésitent pas à élever le burn-out au rang de "miroir civilisationnel" d'un monde individualiste et basé sur la performance. Si le mot travail vient du latin tripalium qui désigne un instrument de torture, gageons que les choses se passent mieux quand le travail devient agent de libération et d'épanouissement personnel.

L'épuisement professionnel est devenu la première cause d'absence prolongé au travail. L'impact économique se chiffre en millard. Selon des études récentes le burn-out toucherait 12% des salariés en France. Point encore plus éloquant : un salarié sur deux affirme qu'il pourrait être en situation de burn-out dans les années à venir. Toutes les catégories professionnelles sont concernées même si l'on retrouve une dominante de cadre sup et de métiers à "forts enjeux relationnels" comme les métiers du médical, du social, de l'enseignement etc.

Il s'agit donc de bien distinguer le harcèlement au travail du burn-out. De fait l'épuisement professionnel est rarement une conséquence directe du harcèlement moral au travail.

Si dans le harcèlement c'est la relation de domination qui prime entre d'un côté un harceleur et de l'autre un harcelé, la personne en burn-out a souvent l'impression d'être les deux à la fois. Continuons avec ce témoignage : " ce qui m'a beaucoup déstabilisé c'est qu'il y avait des cas effectifs d'harcèlement moral dans ma boîte; Mais objectivement ce n'était pas le cas pour moi. Bien sûr il y avait beaucoup de stress, d'exigences, des délais de plus en plus courts, mais avant je gérais tout cela. C'est comme si j'étais devenu à la fois le bourreau et la victime : je me reprochais sans arrêt tout un tas de choses et en même temps et en même temps je ne trouvais pas l'aide dont j'avais besoin".

Etre à la fois son bourreau et sa victime. Nous touchons là au coeur du burn-out qui, dans ses conséquences, est intrapsychique. L'épuisement professionnel s'exprime dans un rapport complexe entre les idéaux personnels et les exigences concrètes d'une l'entreprise. Ce que le psychanalyste Paul-Laurent Assoun a bien décrit dans son livre intitulé le préjudice et l'idéal et qui pourrait s'éclairer dans le schéma suivant : "j'ai de fortes attentes pour moi-même, or je ne suis jamais au niveau de mon idéal, donc je demande à l'autre réparation du préjudice". En termes plus concrets cela donne : je ne suis pas récompensé à la hauteur des efforts que je fournis.

 

Quels sont les symptômes du Burn-out?

Les symptômes du burn-out sont variés et recouvre une réalité aux contours floues. C’est un état de détresse psychologique lié à l’impossibilité de faire face à un facteur professionnel stressant chronique. En cela il n'est pas un diagnostic médical à proprement parlé. Point central : le burn-out  n’est pas une maladie psychiatrique mais une spirale dangereuse qui conduit à la maladie ( dépression, syndrôme de stress post-traumatique).

Popularisé par le psychanalyste Freudenberger en 1974 puis par la psychologue Maslach en 1976 , le concept de burn-out désigne au départ le malade, puis les aidants qui sont impuissants à le soigner. Puis récemment il devient un mot "à la mode" allant même jusqu'à devenir une forme de revandication dans certains milieux professionnels : " si je suis en burn-out c’est que je suis un bon professionnel qui se donne à la tâche. Si tu n'as pas fait un burn-out dans ta carrière c'est que tu ne te donnes pas à fond".

Le burn-out définit l'écart entre ce que les gens sont et ce qu’ils doivent faire. Lélément déterminant est l'association entre le surmenage et le sentiment d'échec;  "le sentiment d'inutilité de l'effort" selon C.Dejours.

La symptomatologie du burn-out regroupe plusieurs dimensions que l'on pourrait formaliser via une courbe décendante : le passage d'une conscience professionnelle exacerbée à une baisse du besoin de succès, une perte de sens dans la mission professionnelle qui aboutit à un cynisme et à une volonté de changer de métier.

Ce qui se résume en trois phrases :

  • "Je suis vidé" : Epuisement physique et psychique
  • "Ca sert à rien" : Cynique, détaché du travail
  • "J’ai pas signé pour ça, j’ai perdu ma vocation" : perte de sens et de valeur du travail.

Les manifestations d el'épuisement professionnel ont tous en commun de mettre en lumière quelque chose d'un manque de prise du sujet sur le destin de sa vie. Un sentiment d'être "exposé", de ne plus rien contrôler, de ne pas se reconnaitre. D'ailleurs les premiers signes annonciateurs du burnout sont toujours minimisés voir déniés.

  • Manifestations physiques  : fatigue chronique qu'aucune période de récréation ne permet d'atténuer, troubles du sommeil et de la libido, mal de dos, vertiges, acouphènes etc...
  • Manifestations cognitives : difficulté à se concentrer, trous de mémoires, incapacité à pouvoir prendre des décisions
  • Manifestations émotionnelles (irritabilité, hypersensibilité)
  • Manifestations comportementales : baisse de la socialisation ou au contraire besoin frénétique de sortir et de "s'éclater, comportements violents et/ou addictifs, baisse de l'empathie.
  • Manifestations motivationnelle : perte de sens, des valeurs, dévalorisation, perte de confiance en soi et dans les autres, sentiment de vacuité, ennui

En conclusion nous pouvons simplifier en disant que la personne burnoutée présente un tableau dépressif. Néanmoins, le burn-out est une dépression particulière en cela qu'elle engage de façon très forte la sphère professionnelle et qu'elle met l'accent sur la dimension du stress. En cela si le patient qui présente un état dépressif léger peut éventuellement poursuivre le travail, le patient en burn-out va continuer à s'épuiser et nécessite souvent un arrêt de travail qu'ila ura bien du mal à accepter. 

 

A quoi sert une psychothérapie pour une personne en Burn-out?

En thérapie il s'agit d'abord d'offrir à la personne victime de burn-out un espace de parole dynamique.

En effet, trop longtemps la personne s'est tue et elle a beaucoup de choses à dire. Puis nous abordons la question du stress et ses répercussions dans les sphères publiques et privées.

En tout état de cause et au-delà d'un plan de traitement standardisé, il sera toujours question du vécu intime et toujours singulier du burn-out sur la personne qui vient consulter.

 

Actualité du burn-out : le burn-out est-il une maladie professionnelle?

L'épuisement professionnel est devenu aujourd'hui un débat politique et une question de santé de premier ordre.

Pour que le burn-out soit reconnu il faut en principe qu'il soit passager et strictement lié au travail.

L’inscription du burn-out au tableau des maladies professionnelles, débattue par les parlementaires français au printemps 2015, a finalement été rejetée du fait de l’imprécision des contours de cette réalité. Les « dépressions d’épuisement » peuvent actuellement être reconnues comme maladies professionnelles « hors tableau »

Depuis le 10 juin 2016, les pathologies psychiques peuvent être plus facilement reconnues comme des maladies professionnelles. Toutes les affections psychiques sont concernées le syndrome d'épuisement.

D'ailleurs nous voyons depuis peu les avocats s'emparés de la question que l'on pourrait résumer ainsi : vous avez subi un préjudice qui est plaidable

L'assurance-maladie a d'ailleurs reconnu, au titre des maladies professionnelles, 315 cas d'affections psychiques en lien avec une maladie professionnelle en 2015. Un chiffre à rapporter à l'estimation du nombre annuel de cas de souffrances psychiques liées au travail : environ 500 000.

Mon point de vue de spécialiste du burn-out est le suivant : cette souffrance est toujours le fruit d'une rencontre entre un individu et un environnement de travail dégradé. Il s’explique donc à la fois par les conditions de travail et la vie personnelle de l’individu.

 

Et le Bore-out?

 

Comment lutter contre le bore-out?

Je conclus en attirant l'attention sur le Bore-out. Comment expliquer le tabou qui entourne le bore-out? 

Si le bore-out n'est pas nouveau, force est de constater qu'il est de plus en plus médiatisé. Et c'est tant mieux car il décrit une situation qui entre en plein dans la définition des risques psycho-sociaux au travail. Il me semble que si l'on parle plus de l'ennui au travail c'est parce que, ces dernières années, il a beaucoup été question des travailleurs fainéant, de productivité, du passage aux 35 heures...Avant hommes et femmes se définissaient par leurs lignées : "je suis ulysse, Roi d'Ithaque, fils de Laërte et d'Anticlée". Aujourd'hui ils semblent se définir avant tout par leur travail : "je m'appelle Jean-Claude et je travaille chez Renault". Alors lorsque l'on passe ses journées à ne rien faire, lorsque l'on a l'impression d'être transparent au travail, la tentation est de vivre dans la honte et de ne rien dire. En cela le bore-out est pleinement un harcèlement et une violence faite à la personne.

Moins connu que son cousin mais tout aussi insidieux, le bore-out, de l'anglais "bore"-"s'ennuyer", consiste à réaliser concretement l'expression "s'ennuyer à mourir". C'est une "technique de management" de plus en plus en vogue dans les entreprises. En effet, plusieures études ont prouvé que mettre le salarié dans une situation de bore-out était plus "efficace" (sic)  pour qu'il démissionne. L'exemple classique est ici celui du fonctionnaire que l'on ne peut pas licencier mais qui se trouve "placardisé" avec des tâches à réaliser vidées de leurs sens. Sauf à considérer son travail comme strictement alimentaire (je travaille le moins possible car je veux avoir le plus de temps possible pour me réaliser ailleurs; ce qui se tient d'ailleurs), le bore-out est un véritable supplice à vivre : regarder l'horloge toutes les dix minutes, entendre à la pause café ses collègues dirent qu'ils sont débordés de travail et ne pas pouvoir les aider, passer 8h par jours à effectuer une tâche que les robots peuvent faire etc...

C'est provoquant à dire mais au moins dans le burn-out il y a du conflit, il y a de l'autre. Dans le bore-out rien, que du vide. Ceux qui ont lu le Joueur d'échec de S. Zweig comprendrons. Et pourtant "être payé à ne rien faire" semble tentant...Ce que l'on observe c'est que le bore-out a pour conséquences l'éclosions de symptômes graves et invalidants : 

  • baisse de l'estime de soi 
  • sentiment d'inutilité
  • fatique, anxiété et entrée en dépression (et oui ça fatique de ne rien faire...mais de ne pas arrêter de penser)
  • mise en place de conduites compensatoires et palluatives ( addiction aux écrans pour s'occuper, boulimie pour se remplir, toxicomanie pour se détendre

Pour consulter les prises en charge adulte.

Pour prendre RDV, Etienne Duménil, psychologue 95 et psychologue Paris 9ème